Et si les e-travailleurs de tous les pays s’unissaient ?
Les grandes et moyennes entreprises ont structuré l’organisation du travail de la société industrielle, concentrant en leur sein les armées d’employés et d’ouvriers ; elles ont servi de socle à l’élaboration du modèle du salariat et de la protection sociale des travailleurs . Aujourd’hui, une majorité d’entre elles se muent progressivement en plateformes de mise en relation de plus en plus automatisées et de moins en moins génératrices d’emplois, déplaçant un fort volume de travail vers les travailleurs indépendants, bousculant ainsi notre modèle de contrat social. Ce phénomène est flagrant dans les entreprises numériques comme Uber ou Airbnb, qui déportent progressivement les risques d’activité et les investissements matériels sur les travailleurs indépendants. Chez Uber, les chauffeurs sont à leur compte et prennent en charge l’achat de leur outil de travail et son entretien.
Sur les plateformes de micro-tâches comme Mechanical turk ou Foule Factory, son équivalent français, les individus ne vendent même plus leurs savoir-faire, mais leur temps, en classant des photos, déchiffrant des textes manuscrits, etc. Aurélien Denaes, co-fondateur de Casaco, un espace de coworking situé à Malakoff, s’inquiète du manque de conscience sociale des nouvelles générations : « On voit de plus en plus de jeunes dans nos espaces qui se mettent dans une position de sous-traitance via les plateformes collaboratives et de crowdsourcing. Ils vendent leur temps, même pas leur cerveau, à qui veut bien, dans une vision de court terme et purement alimentaire. Ils ne construisent aucun projet professionnel cohérent ».
Ces nouvelles générations sont-elles en train de développer une vision très utilitariste du travail tout en investissant leur cerveau et leurs émotions ailleurs, préfigurant une société moins centrée sur le travail que sur l’activité sociale ? Ou vivons-nous une nouvelle étape du Fordisme, organisée autour de micro-tâches mises en musique par des intelligences artificielles et dont les propriétaires de plateformes captent l’essentiel de la valeur produite, comme le dénonce le sociologue Antonio A. Casilli ? A moins que ce ne soit les deux à la fois ?
Dans cette double hypothèse, comment repenser les structures sociales liées à nos activités afin de maintenir un projet de « vivre ensemble » et permettre à chacun de se construire dans le temps ? Comment rééquilibrer les rapports de force entre cette foule croissante d’actifs qui s’ignorent et des plateformes extrayant la valeur immatérielle de leur activité comme leurs grandes sœurs pétrolières pompaient et pompent encore sans relâche les ressources énergétiques un peu partout sur la planète ?
Certains réfléchissent à… lire la suite sur le Digital Society Forum