Et si le cloud délocalisait nos données en Chine ?
Le 30 octobre débute la Paris Games Week, lieu de rencontre entre gamers et éditeurs de jeux vidéo, mais aussi vaste show room d’innovations technologiques, dont le cloud gaming. Finis les téléchargements de jeux vidéo, place au jeu en streaming, à l’image de Deezer pour la musique, de Netflix pour la vidéo ou de Purevid pour les amateurs de streaming illégal. Avec le cloud, plus besoin pour soi d’une machine avec des capacités de stockage et de calcul monstres : dans quelque « ferme de serveurs », on ne sait où sur la planète, une armée de machines connectées travaille jour et nuit en lieu et place de notre ordinateur personnel, en quasi chômage technique. D’où les problématiques que soulève cette informatique dans les nuages : perte de contrôle, location versus propriété, stockage de ses données personnelles par un tiers loin de son disque dur, etc. Au point de se demander : mettre ses données dans le cloud ne revient-il pas à les délocaliser ? Après la perte des emplois au profit des pays moins regardants en matière de conditions de travail comme la Chine, l’Inde ou le Bangladesh, nos données seraient-elles également en train de nous échapper ? Et faut-il s’en soucier ?
L’inquiétude concernant le stockage des données, mais aussi des logiciels et programmes, visait jusqu’à présent les États-Unis avec les titans du cloud, les Google Drive, Microsoft Sky Drive et autres Amazon Web Services (hébergeur de Dropbox entre autres). Le Patriot Act avait déclenché la polémique, pointant les risques de fuite d’informations confidentielles au profit du gouvernement américain. Le scandale du programme Prism l’a récemment réveillée. Rappelons-nous également l’affaire des serveurs BlackBerry situés exclusivement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et la chasse au BlackBerry au sein du gouvernement Sarkozy. Ce dernier avait d’ailleurs fait de la création d’un cloud national l’une des priorités de son grand emprunt. De cette volonté farouche sont nés Cloudwatt et Numergy, nos nuages bleu blanc rouge à nous.
Mais c’était sans compter avec la Chine qui s’est lancée dans la course au cloud depuis 2010, inscrivant cette technologie au rang de ses priorités nationales. Une étude récente d’un Think Tank de Washington en détaille la stratégie. Il est amusant d’y noter que les américains s’inquiètent sérieusement que les données des entreprises, administrations mais aussi consommateurs américains se retrouvent stockées en Chine, dans la perspective très probable d’un large succès des offres « low-cost » chinoises. Ainsi, nos inquiétudes, à nous européens, de voir nos données stockées quasiment uniquement aux États-Unis n’étaient donc pas totalement injustifiées. Et la comparaison avec la délocalisation des emplois de l’Ouest vers l’Est ne l’est peut-être pas complètement non plus.
Finalement, en attendant l’avènement du règne du « bien commun », s’il daigne venir un jour, le cloud, qui pour certains est une aberration – pourquoi vouloir centraliser le Web ? – reste une option parmi d’autres. Et mieux vaut garder « physiquement » quelques bons logiciels et jeux vidéo chez soi, plutôt que de tout miser sur des services et autres jeux en streaming, car à défaut des hommes, il se pourrait qu’un jour, on regarde le cloud tomber…
Publié sur le Digital Society Forum