Et si le rapport sur l’emploi du Conseil national du numérique était habité par l’esprit de David Bowie ?
David Bowie est mort. La foudre nous a frappés au saut du lit, lundi matin. Bien sûr, Bowie n’était ni un transhumain, ni même un extraterrestre, on se doutait bien qu’il faudrait aller voir sans lui s’il y a de la vie sur Mars… Mais il y a des artistes tellement libres, visionnaires et inspirants que leur disparition fait l’effet d’un séisme, créant une distorsion de notre vision du monde.La transformation numérique de la société n’avait pas échappé à cet artiste protéiforme, qui a su naviguer de génération en génération. « Dans quelques années, je ne verrai sans doute plus aucun intérêt à passer par une maison de disque, tellement Internet va changer le système de distribution de la musique. La musique va devenir un flux comme l’eau ou l’électricité », expliquait-il en 2002 au New York Times. Napster était déjà là, et quelques années plus tard, MySpace, puis iTunes Music, Deezer, Spotify, SoundCloud venaient lui donner raison, précipitant l’effondrement de l’industrie du disque et le triomphe du streaming. Il ajoutait : « Je suis même convaincu que dans dix ans, le copyright, le droit d’auteur et la propriété intellectuelle n’existeront plus ». Depuis, les licences libres de type creative commons , copyleft (« gauche d’auteur »), copyfair , etc., mais aussi l’explosion des pratiques de partage, l’économie collaborative et la montée d’un mouvement autour des communs remettent en cause le concept de propriété comme nous le connaissons depuis le XIXe siècle. Encore bien vu, Monsieur Bowie.
Ainsi, en ce début de semaine, l’esprit, la voix, l’énergie de Bowie imprègnent notre lecture du monde. Le rapport du Conseil national du numérique « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », publié la semaine dernière, ne fait pas exception : « Valoriser les parcours hybrides », suggère-t-il, comme pour saluer Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Thin White Duke… « Transformer les organisations pour en faire des lieux d’émancipation et d’apprentissage », dit-il ailleurs, comme pour rendre hommage au sens de l’expérimentation d’albums comme Station to station ou Low avec Brian Eno.
« Ch-ch-ch-ch-changes… », le Bowie qui chante en nous peut trouver, dans ce texte du CNNum de plus de 200 pages, les ingrédients d’un programme politique à la hauteur des enjeux économiques et sociaux contemporains. Ce travail est le résultat d’une large concertation (plus de 50 auditions) et d’une réflexion qui s’est visiblement nourrie de la richesse des divergences, par exemple, sur la fin ou non du modèle salarial , sur la corrélation entre protection sociale et travail, etc. Le rapport met le doigt sur des objectifs majeurs : raccrocher l’individu au(x) collectif(s), le considérer dans sa multiplicité et non l’enfermer dans un statut , un métier, une trajectoire linéaire, lui (re)donner la capacité d’agir, favoriser un pouvoir d’agir plus qu’un pouvoir d’achat, repenser la (re)distribution des richesses autrement que par l’emploi.
En outre, le rapport ne se contente pas… lire la suite sur le Digital Society Forum