Et si les hashtags influençaient notre vision de la… ou plutôt des femmes ?
Comme chaque année, le 8 mars, il a régné une très grande confusion sur Internet (et partout ailleurs en fait). En 2014, en pleine polémique autour de l’ABCD de l’égalité, nous avions observé les luttes antisexistes qui s’emparaient des médias en ligne . En 2015, nous avions souligné le rôle positif que le numérique pouvait jouer dans la lutte pour l’égalité femmes/hommes , tout en restant lucide puisque que parmi les 100 plus grandes entreprises technologiques du monde, seulement 6 étaient alors gérées par des femmes. En 2016, que dire ? Dans la foulée de la réforme de l’orthographe, nous pourrions justement parler de l’importance du langage.
Sur Twitter, plusieurs hashtags se créent spontanément autour d’un événement générant des fils de news qui facilitent la recherche et l’accès à l’information. Pour le 8 mars, on trouvait parmi les hashtags les plus actifs en français : #JournéeDeLaFemme , #JournéeDesFemmes , #JournéeDesDroitsDesFemmes . A priori, ces différents hashtags parlaient du même événement… Mais cela a t-il vraiment été le cas ?
Sur #JournéeDeLaFemme, l’écrasante majorité des messages se rapporte à des déclarations d’amour, des blagues sexistes, des promos shopping et des placardages de femmes à la volée. Ainsi, pour ceux (et celles) qui s’y expriment, ce 8 mars prend la forme d’un improbable mélange entre la Saint-Valentin, la Fête des mères, la légion d’honneur et l’ouverture des soldes. Certains se sentent « obligés » d’y célébrer leur femme et par ricochet toutes les femmes, comme s’ils pouvaient toutes les aimer comme une seule femme . Pour de nombreuses marques, c’est visiblement l’occasion de lancer des promotions en folie sur les rayons beauté ou électro-ménager et des concours « journée de la femme » en tous genres. Même les institutions s’y mettent, la Préfecture de Police nous invite à jouer à son quiz #journeedelafemme pour gagner le droit de rencontrer les femmes de la PP (serait-ce sponsorisé par Tinder ?) Amour, promo, jeux… avec ce 8 mars-là, l’ambiance est à la fête en rose, à la célébration d’un idéal féminin stéréotypé et commercial. La revendication d’une égalité entre les hommes et les femmes et les différentes luttes afférentes passent totalement inaperçues… Enfin si, il y avait quand-même une opération commando d’envergure : « Messieurs mettez du rouge à lèvres »… Autre pratique très courante sur ce hashtag : entreprises et collectivités profitent de cette journée du 8 mars pour « sortir » et afficher leurs femmes, ou du moins des femmes, à l’image de Public Sénat qui présente ses collaboratrices ou de l’émission Certains l’aiment FIP sur les femmes au cinéma . La ville de Clichy-La-Garenne a même décidé de poser 10 plaques de rue en l’honneur de 10 femmes engagées dans l’égalité hommes/femmes , belle initiative, sauf que ce sont des plaques… éphémères.
Sur #JournéeDesFemmes, l’un des hashtags officiels préconisés par l’ONU, la subtile substitution du LA en DES, provoque une grande variation de tons et de couleurs. Ici, les messages portent essentiellement sur l’engagement pour l’égalité entre les sexes ; on y trouve des photos des marches pour le droit des femmes , des messages corporate pédagogiques , des revendications citoyennes et politiques , des rappels historiques du combat pour l’égalité , ou encore des critiques des récupérations commerciales , etc. Il y a également beaucoup de messages du Québec, de Belgique et d’Afrique francophone, mais aussi des communautés indiennes, iraniennes…, ce qui rappelle la portée internationale de cette journée.
Sur #JournéeDesDroitsDesFemmes, de nombreux messages abordent les thèmes principaux de lutte de cette journée : violence conjugale , consentement , sexisme , inégalités salariales , etc. Certes, ce hashtag occupe beaucoup de place dans un message Twitter limité à 140 signes, mais il a le mérite de… lire la suite sur le Digital Society Forum