Et si nous refusions de parler Globish ?
« La langue a une double connotation, elle est un organe physique : elle s’ancre dans le corps ou ancre le corps (…) et elle deviendra symbolique », écrit Mélanie Gosse dans son mémoire de psychologie « De quelle langue la mère enfante-t-elle ? ». Pourtant, contrairement au français, l’allemand dissocie le langage (die Sprache) et l’organe (der Zunge). Les langues expriment ainsi des représentations multiples du monde en nommant les choses à leur manière mais également en les organisant dans des grammaires différentes.
La langue nous construit en tant que sujet et nous intègre dans une communauté. Elle porte la trace de l’histoire intime de chacun et l’Histoire de tous ceux qui nous ont précédés. En outre, elle nous permet de réfléchir, c’est-à-dire de projeter notre entendement, nos sensations, en dehors de nous-même pour pouvoir les observer et les partager. Alors que se passe-t-il lorsqu’une langue, en l’occurrence l’anglais, domine depuis le XXe siècle les échanges internationaux ? Comment les non anglophones peuvent-ils penser dans ce monde all english et quelle influence cela a-t-il sur eux ?
La différence entre l’anglais ou le français peut paraître marginale, mais avec une langue comme le chinois, c’est une autre histoire… « Le chinois est une langue totémique, expliquait Paul Jorion, lors d’une rencontre organisée par Ars Industrialis le 21 mai dernier, elle opère par rapprochement et par opposition et ne permet pas l’établissement de relations de cause à effet, comme la mouche est un insecte ; les chinois et les occidentaux ne pensent pas de la même façon ». Comment se comprendre dès lors ? L’histoire de la traduction se perd dans les origines du langage. Les chercheurs se querellent sans cesse sur la traduction de la bible ou du Coran, de Freud ou de Lacan. Par ailleurs, construire une langue commune reste pour le moment une tentative inaboutie, à l’instar de l’esperanto ou encore du langage par l’image qui se construit sur le réseau 4Chan.
Faute de mieux, l’anglais continue donc à imposer son cadre culturel et sa logique dans les relations commerciales, les institutions internationales et même l’informatique et Internet. En effet, les langages informatiques s’appuient sur la langue anglaise, les traductions automatiques de Google l’utilisent comme pivot, passant par exemple du français à l’anglais, puis de l’anglais à l’espagnol. Longtemps les textes accentués sur Internet n’ont pas été pris en compte par les programmes informatiques. De même, faire entrer plusieurs milliers de caractères chinois sur un clavier alphabétique qui compte une cinquantaine de touches a été un casse-tête…
De plus, l’anglais est majoritairement réduit à une langue véhiculaire, c’est-à-dire à sa capacité à véhiculer des messages entre personnes ne parlant pas la même langue. Partant de ce constat, un français, Jean-Paul Nerrière, ancien vice-président d’IBM, a décidé de volontairement appauvrir cette langue qu’il est si facile de parler mal, disait… (lire la suite sur le Digital Society Forum)