Et si on se déconnectait de temps en temps pour relâcher la pression ?

La période estivale a été pour certains l’occasion de s’éloigner un peu du flux de communication qui se déverse continuellement sur nous, notamment par l’entremise de ce monolithe de poche qu’est notre smartphone. Pour certains, cette situation fut la conséquence involontaire d’une chute fatale du « précieux » appareil ou tout simplement d’un manque de couverture réseau. D’autres l’ont fait volontairement, avec la volonté fragile de ceux qui entament un régime ou tentent d’arrêter de fumer. Dans tous les cas, cette relative déconnexion a été riche d’enseignements.

D’abord, il faut bien le reconnaître : on peut survivre sans un téléphone greffé à l’oreille. Néanmoins, son absence met en relief une série de frustrations. Vivre quelque chose sans pouvoir le photographier et le partager immédiatement rend l’expérience moins satisfaisante. Ne pas avoir accès à la vie des autres crée une sensation de vide. Même les vidéos de chat et autres clickbaits viennent à nous manquer. Ne pas recevoir de notifications d’événements ou de messages d’invitation d’amis nous rend apathique, pour citer un film célèbre d’un tout aussi célèbre réalisateur de la nouvelle vague : « Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… ». Ne pas pouvoir lancer Waze ou tout autre application de cartographie provoque des crises de claustrophobie – n’ayant plus la visualisation de ce qui nous entoure, l’espace perçu s’en trouve tout à coup réduit – ainsi que des errances involontaires – n’ayant plus d’itinéraire à suivre et de conscience du temps ou des kilomètres qui nous séparent de notre destination. Bref, une sensation d’amputation et d’exclusion.

Non seulement on se retrouve sans nos superpouvoirs, mais, en plus, on a l’impression désagréable de rater quelque chose, quelque chose qui serait potentiellement mieux que ce que nous sommes en train de vivre. « Il y a comme une attente diffuse mais constante de se laisser surprendre par de l’inédit et de l’imprévu, par un appel ou un SMS qui va changer le cours de sa journée ou de sa soirée en la densifiant ou en la diversifiant, et en rendant, finalement, sa vie plus intéressante et plus intense. Ce n’est donc pas un phénomène d’addiction qui rend la déconnexion difficile, mais bien plutôt la peur de rater quelque chose », analyse Francis Jauréguiberry, chercheur au CNRS et spécialiste de l’individu hypermoderne. C’est ce que les Américains ont nommé, depuis l’émergence des réseaux sociaux, le FOMO (Fear of Missing Out).

De fait, nous organisons de plus en plus nos journées au fur et à mesure, picorant parmi une liste de propositions qui nous parviennent. Peu étonnant, dans ces conditions, que toute rupture de communication nous plonge dans un désarroi terrible. Nous avons, en effet, perdu l’habitude d’anticiper et d’organiser ce que nous voulons faire, préférant attendre que les choses s’enchaînent d’elles-mêmes, que les autres et nos machines intelligentes nous déroulent les étapes à suivre.

Une fois le temps de sevrage passé, pour ceux qui y parviennent, on retrouve un rythme qui nous est propre. Vient, alors, le temps des questions et de l’étonnement face… (lire la suite sur le Digital Society Forum)