Et si on se mettait à vraiment aimer les banques ?
Loin des scandales financiers récurrents que nous offrent tristement certaines banques, et loin de leur complicité dans la mise sous pression d’Etats entiers, à l’image de la Grèce ou de l’Islande, une autre banque est-elle possible ? Une institution qui serait le moteur d’une économie et non un parasite de celle-ci ? Une banque vertueuse, éthique, solidaire ? A l’heure des FinTechs, ces startups qui conjuguent la finance en mode numérique et ont plus que jamais le vent en poupe à l’instar de la société de prêts pour particuliers Lending Club à Wall Street, ces questions méritent d’être posées.
Plusieurs initiatives cherchent à ouvrir une autre voie, parfois depuis plusieurs décennies. Les choix de modes de financement et de gouvernance se révèlent cruciaux dans la pérennité de ces projets. En effet, on ne peut prétendre monter des blancs en neige sans casser des œufs, à moins de remplacer les œufs par du jus de pois chiche (astuce vegan). Bref, pour pouvoir agir autrement, mieux vaut être constitué différemment et ne pas s’appuyer sur les mêmes leviers que l’économie dominante.
La NEF est l’une de ces initiatives. Vieille de près de trente ans, cette coopérative financière a tout pour plaire à la société post-industrielle de l’ère digitale. D’abord, elle est collaborative : plus de 35 000 sociétaires participent à son rayonnement et à ses activités. Elle est décentralisée, organisée en délégations et animée localement par des banquiers itinérants. Elle est transparente, publiant l’ensemble des financements octroyés. Elle est autonome, ne s’appuyant que sur les fonds de ses sociétaires, sans recours aux marchés financiers. Elle est engagée, cherchant à donner des moyens d’actions à des projets ayant une utilité sociale, écologique ou culturelle, dans l’idée d’être un outil au service d’un bien commun. Elle est innovante, cherchant des solutions pour accompagner des monnaies locales ou numériques. Et d’ici fin 2016, elle va devenir une banque de plein exercice, c’est-à-dire qu’elle pourra ouvrir des comptes courants, des livrets, des moyens de paiement… à ses clients (dans un premier temps, les organisations qu’elle finance). Mais comment arrivera t-elle à ne pas tomber dans les travers des autres banques ? « Peut-être en créant plusieurs coopératives, à l’image du distributeur d’énergie Enercoop, afin de décentraliser les prises de décisions et de rester connecté à la réalité des projets financés. C’était d’ailleurs le projet initial de la Caisse d’Epargne : créer des caisses régionales, mais il a été abandonné au profit d’une organisation centrale, avec le résultat que l’on connaît », explique Matthieu Gros, banquier itinérant de la NEF à Marseille.
Sur un autre registre, la startup toulousaine Payname , qui a récemment réalisé une levée de fond de 5 millions d’euros, dont 4 millions provenant d’un fond MAIF, renouvelle l’expérience bancaire avec le « cobanking ». Banque en ligne, Payname, permet d’envoyer de l’argent à des proches, de régler des services à la personne, d’acheter sur certains sites comme Leboncoin, de financer des projets associatifs, de collecter des fonds… le tout sans frais bancaire. La banque se finance, entre autres, en prélevant une commission de 1,9 % sur toutes les transactions réalisées par des professionnels. Elle ambitionne de devenir la banque de l’économie collaborative . Payname annonce 20 000 clients particuliers, 200 professionnels, plusieurs millions d’euros traités chaque mois et une croissance mensuelle supérieure à 30 %.
Enfin, plus radicale, la banque suédoise Jak a banni les intérêts de son fonctionnement, que ce soit sur l’épargne ou sur les emprunts. Le principe est assez simple : n’ayant pas besoin de rémunérer le patrimoine financier, il est inutile de se rémunérer sur les prêts. Le fonctionnement de la structure est financé par la facturation de frais annuels auprès de ses membres, à l’instar d’une adhésion. Opérant depuis 1997, cette banque, à total contre-courant, s’est construite autour de quatre constats : les taux d’intérêts sont antinomiques avec une économie stable ; les intérêts génèrent du chômage, de l’inflation et une pression environnementale ; les intérêts font circuler l’argent des pauvres vers les riches ; les intérêts favorisent des projets générateurs de profits élevés sur le court terme. Jak fonctionne comme une banque classique, elle reçoit l’argent de ses membres sur des comptes de dépôt et s’en sert pour financer d’autres membres. Les prêts sont garantis par des cautions, mais les défauts de paiement sont rares. D’abord, sans la charge des intérêts, les prêts sont plus faciles à rembourser, ensuite les emprunteurs sont membres de la banque, ce qui les rend plus concernés par le devenir de la structure, et enfin pour emprunter, il faut avoir épargner durant un certain temps, six mois au minimum. La capacité d’emprunt se calcule en fonction de cette épargne. La banque Jak est une « association économique », elle compte 38 000 membres qui ont chacun un droit de vote sur les décisions prises en assemblée générale.
Ainsi, ce genre d’initiatives, à l’heure de l’indifférence voire du désamour envers les banques, pourrait bien nous rendre les banquiers aussi désirables que Romy Schneider dans La Banquière. Mais évitons de tomber dans un aveuglement amoureux, derrière le personnage d’Emma Eckert, se cachait Marthe Hanau, une banquière qui s’est révélée être une escroc à la Madoff…