Les communs
Ramenés sur le devant de la scène par le numérique, les communs bousculent le dogme de la propriété, promeuvent le partage des connaissances et ouvrent un nouvel espace de pensée et d’action, à côté de ceux portés par le marché et le secteur public. Les communs ne seraient-ils pas à l’avant garde d’une nouvelle citoyenneté ? Petit voyage dans leur pays, encore en devenir.
Inspiré par les travaux du Conseil National du Numérique, un article sur les communs informationnels s’était invité dans le projet de loi « pour une République numérique », officiellement promulguée le 7 octobre 2016. Cet article, au départ assez ambitieux d’un point de vue juridique, a été réduit au fur et à mesure des discussions – et parfois des oppositions – puis finalement supprimé. Sa présence et le débat qu’il a engendré n’en témoignent pas moins d’un intérêt grandissant pour les communs.
Le retour des communs
Rappelons que l’histoire des communs ne date pas du numérique, mais plutôt du Moyen-Âge. A cette époque, ils étaient très courants. Il s’agissait par exemple de pâturages ou de bois dont l’usage et la gestion étaient partagés entre les habitants. Dans le Massif central, près de 300 000 hectares de ces « communaux » ont survécu au dogme de la propriété privée. D’autres types de biens communs ancestraux subsistent, à l’image de la Prud’homie de pêche de Sanary-Sur-Mer , une communauté de pêcheurs qui s’organise autour d’une zone de pêche, décidant ensemble des quotas, des méthodes de captures, etc.
Sur le plan académique, le retour en grâce des communs est attribué à l’économiste Elinor Ostrom, qui reçut en 2009 le prix Nobel pour ses recherches sur les biens communs. Elle a démontré leur intérêt, leur efficacité et leur viabilité dans certaines conditions, venant contredire les travaux théoriques antérieurs qui avaient discrédités cette forme de propriété collective. S’appuyant, entre autres, sur les travaux d’Elinor Ostrom, les chercheurs s’accordent aujourd’hui à définir les biens communs, comme « des ressources, gérées collectivement par une communauté selon une forme de gouvernance qu’elle définit elle-même ». Valérie Peugeot, chercheuse à Orange Labs et membre de Vecam, une sorte de think tank citoyen qui explore la question des communs, précise que la ressource constituant le bien commun se trouve hors du régime de propriété publique ou privée, que la communauté peut être petite ou grande, localisée ou déterritorialisée, et que la gouvernance vise à protéger et le cas échéant à faire fructifier ladite ressource.
Nous assistons ainsi à la renaissance d’un régime de propriété collective qui s’appuie sur une logique participative : espaces autogérés, encyclopédie contributive, logiciel open source, etc. De nouveaux textes de loi semblent faciliter l’émergence de communs contemporains. La loi ALUR (Accès au logement et un urbanisme rénové) d’août 2015, par exemple, facilite l’habitat participatif et « un principe de propriété non exclusive ». La nouvelle loi sur l’Economie Sociale et Solidaire de juillet 2014 encourage de son côté la reprise par les salariés de leur entreprise en SCOP (Société coopérative et participative) ou SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), etc. Dans tous les cas, les communs semblent associés à une expression directe des individus, voulant « faire collectif », en s’émancipant en partie de la tutelle publique ou des impératifs de rentabilité.
Une nouvelle citoyenneté se construirait-elle dès lors autour et avec les communs ? L’observation des communs dans le monde numérique et dans les villes fournit quelques clés de lecture.
Les communs numériques : des citoyens du monde
Nous utilisons couramment Wikipédia, Firefox ou WordPress. Ces trois outils répondent à la définition des biens communs : une ressource partagée (l’encyclopédie, les codes du logiciel), une communauté (les développeurs, designers, producteurs de contenu, utilisateurs, etc.) et une gouvernance qui se veut participative.
Les biens numériques représentent… (lire la suite sur le Digital Society Forum)