Et s’il fallait bien plus qu’un vote sur Facebook pour réconcilier les jeunes et la politique ?

Les taux d’abstentions des 18-24 ans aux élections surpassent à chaque fois la moyenne nationale, atteignant 76% aux dernières élections régionales , 74% aux dernières élections européennes et 19% à l’élection présidentielle de 2012 . « En France, plus on est vieux, plus on vote, observe Tanguy Cornu, professeur de sciences politiques à Marseille. Quand les jeunes ne vont pas voter, ils renforcent, de fait, le poids des anciennes générations qui, en outre, influent sur un avenir qui les concernent bien moins que les jeunes… ». Pourquoi un tel désintérêt de la carte électorale à peine acquise ? Comment inciter les jeunes à faire valoir leur voix ? Faudrait-il en passer par le vote sur Facebook ?

Absentéisme ne signifie pas absence d’engagement. France-Bénévolat note, en effet, une hausse de plus de 30% des bénévoles dans la tranche 15-35 ans, entre 2010 et 2013. Il semblerait dès lors, qu’en accord avec les aspirations générales de la population (Lire notre dossier sur les nouvelles citoyennetés ), les jeunes préfèrent user de leur pouvoir d’agir citoyen plutôt que donner un blanc-seing à un élu pour agir à leur place.

La rupture entre jeunesse et politiciens est-elle définitivement prononcée ? Un débat organisé par l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) à Marseille, est venu apporter quelques réponses. La jeunesse a, bien entendu, de multiples visages, et celle qui s’exprimait lundi soir dans l’antre du Conseil Régional de PACA était un public engagé (bénévoles et volontaires civiles).

Ces jeunes n‘adhèrent pas et ne comprennent pas grand chose à la façon dont le débat d’idées s’organise. « Pourquoi cette personne est de droite, pourquoi celle-là est de gauche ? On ne comprend pas le côté partisan, l’opposition systématique entre les partis. Et si on demande à nos parents pour qui voter, ils nous disent « il faut voter pour truc », sans vraiment expliquer pourquoi… », déplore l’une des participantes. « Les politiques parlent bien mais leurs discours ne me captivent pas. Il y a une distance trop grande entre eux et moi, le costume, le vocabulaire, la façon de parler… Je ne crois pas qu’ils nous représentent et je ne m’identifie pas à eux, par contre à Fatima, oui. », ajoute un autre participant.

Fatima Mostefoaui du collectif Pas Sans Nous, qui s’est exprimée avant le débat, comme six autres intervenants (acteurs de l’éducation populaire, professeurs, élus), a effectivement emporté l’approbation de ce jeune public. Elle habite les fameux « Quartiers Nord » de Marseille, les Flamants précisément. Elle se bat pour une rénovation urbaine qui implique et respecte les habitants. Sa parole franche et militante, issue de la société civile et d’une minorité – la population maghrébine – peu représentée, fait mouche face à celle de l’élu socialiste et de l’élu républicain incarnant (malgré eux) la dominance blanche, masculine et éduquée du système politique français. Elle incarne « le peuple », ils incarnent « l’élite ». « Ce n’est pas des assemblées consultatives, ce n’est pas des costumes, ce n’est pas de l’argent qu’il vous faut, ce qu’il vous faut, c’est de l’envie. Quelle tristesse, cette jeunesse qui n’a pas les yeux qui brillent. Il faut vous battre, faire vous-même de la politique, dans votre quartier, à l’école, ne les laissez pas parler à votre place », clame Fatima Mostefoaui.

« Nous sommes tous le peuple, y compris les élus », a rappelé, en revanche l’un des intervenants. Réduire la politique à un besoin d’identification ne pourrait, finalement, que nous diviser, étant donné l’hétérogénéité qui caractérise une société démocratique. Plusieurs d’entre eux préfèrent se concentrer sur la confrontation des idées, sur le sens et non sur la personne : « Plutôt que de voter pour quelqu’un, je voudrais voter pour quelque chose, comme en Suisse, où ils votent par référendum citoyen sur telle ou telle décision et peuvent faire des propositions de loi », déclare ainsi l’un d’eux. Globalement, c’est l’aspiration à une démocratie plus représentative, plus participative qui se fait entendre : comptabilisation du vote blanc, recours à d’autres modes de scrutin, comme celui du vote de préférence ou encore le tirage au sort, non cumul des mandats, etc.

S’ils restent cependant assez peu conscients de la complexité des rapports de force, car, comme a précisé, l’un des intervenants, venus des Etats-Unis, le référendum citoyen peut aussi servir à retirer des droits ou à discriminer certaines minorités, ils sont beaucoup plus alertes sur un domaine qu’ils connaissent bien : le numérique. « Voter sur Facebook, je n’y crois pas, il va y avoir des faux comptes, du hacking, de la manipulation… et cela ne nous donnera pas plus de motivation et de confiance », dit une participante.

Après le débat, la conversation s’est poursuivie de façon informelle devant quelques petits fours, et, loin d’être ces caricatures de… (lire la suite sur le Digital Society Forum)

 

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