Et si Internet favorisait la libération sexuelle des adolescentes ?
Les ados n’ont plus besoin de fouiller dans le placard de leur père à la recherche de cassettes VHS marquées d’un X intriguant ou de s’obstiner à regarder Canal Plus en crypté en secouant très vite la tête. Non. Il leur suffit de se connecter sur Internet. Disons le clairement : les films et photos pornographiques amateurs ou professionnels circulent très librement sur le réseau ; à tel point que les professionnels du porno pourraient bientôt descendre dans la rue pour dénoncer une concurrence déloyale. De nouvelles pratiques se développent également avec les mobiles et Internet, comme par exemple le sexting, échanges de contenus explicites par texto, ou encore les strip-teases et ébats live retransmis par webcam, Facetime ou Skype.
Une étude de l’Ifop, « Génération You Porn : mythe ou réalité ? », commandée par un site de vidéo amateur à caractère pornographique, s’intéresse à l’influence des nouvelles technologies sur la sexualité des 15-24 ans. Entre formatage et exploration, quelles conséquences cette profusion d’images pornographiques et les nouvelles formes de drague 2.0 ont-elles sur la sexualité des ados ? Sont-ils plus libérés que leurs aînés, plus avertis, moins coincés ou au contraire encore plus enfermés dans une représentation imposée de la sexualité ?
A la lecture de l’étude, on se demande si Internet ne serait pas en train de favoriser l’émancipation sexuelle des filles. En dix ans, les filles auraient en effet largement découvert les joies de la masturbation (58 % des moins de 24 ans, contre un peu plus de 35 % au début des années 1990). Il est aussi probable qu’avant, elles ne le disaient pas ou qu’on ne leur demandait pas vraiment… En tous cas aujourd’hui, elles assument, et ça, ce n’est quand même pas rien. Autre progression fulgurante : 42 % des filles âgées de 18 à 24 ans auraient surfé sciemment sur un site à caractère pornographique en 2013, contre environ 5 % en 2006. Leur arrivée massive sur ce marché provoquera t-elle enfin une évolution et une diversification de l’offre ? A n’en pas douter, l’égalité des sexes se travaille à même la sexualité et sa représentation. Les sex shops ont déjà amorcé un virage au féminin, un certain livre avec cinquante nuances de gris a soutenu le phénomène, sans parler des magazines féminins, du travail des psychologues ou encore du courage d’une Virginie Despentes.
A noter également que les jeunes homos, homme et femme, sont précurseurs en matière d’utilisation de contenus et de services en ligne liés à la sexualité. Par exemple, ils seraient environ 70 % à surfer régulièrement sur les sites de rencontre contre environ 35 % pour les hétéros. Et ils concluent beaucoup plus : 54 % des gays et 38 % des lesbiennes coucheraient (ou tout du moins « sortiraient ») avec des partenaires rencontrés via Internet, contre environ 15 % chez les hétéros.
Notons que l’Ifop, visiblement en retard d’une guerre, pose de façon systématique l’homme comme « chef de ménage » d’un couple. Mieux : elle n’a pas jugé utile d’interroger les homos sur leurs différentes positions sexuelles, ce qu’elle a pourtant demandé aux hétéros. Faut-il comprendre que l’Ifop estime qu’ils n’en ont qu’une ? Comme quoi, il n’y a pas que les images pornographiques qui formatent… Et attention, c’est l’étude qui le dit : la pratique d’une religion nuit à la libération sexuelle, contrairement à la démultiplication du nombre de partenaires (au cours d’une vie, pas forcément en même temps !).
L’utilisation par les jeunes des mobiles et autres écrans pour se photographier/filmer nu ou photographier/filmer nu son partenaire reste marginale, leur diffusion encore plus, même si, là aussi, les jeunes homosexuel(le)s s’avèrent plus aventureux. Mais attention : faire ce genre de photos ou de vidéos même pour soi, présente quelques risques comme celui de les retrouver sur tous les écrans de la famille (merci le cloud) ou sur les téléphones de toute l’école après une rupture difficile… Enfin ne paniquons pas (quoique…) : les jeunes semblent préférer diffuser des photos et vidéos de leurs potes saouls ou de leurs parents en train d’être ridicules que de filmer leurs ébats sexuels.
Malgré toutes ces nouvelles possibilités technologiques, il reste des constantes, presque rassurantes, comme l’âge du premier baiser, environ 14 ans, et l’âge du premier rapport sexuel, environ 17 ans. Et pour ceux que cela inquiéterait au point de faire des manifestations en rose bonbon, l’hétérosexualité reste toujours une norme écrasante (91%), même si la bisexualité tente de plus en plus les jeunes, en particulier les filles.
Finalement sur Internet ou dans la vie réelle, l’important en matière de sexualité c’est d’expérimenter et de ne pas oublier de se protéger. Mais rappelons-nous qu’aucun algorithme ne saurait nous préserver d’un déchirement amoureux, car, dans la vraie vie comme dans celle d’Adèle, une bonne rupture nous apprend souvent à passer au chapitre suivant.
Publié sur le Digital Society Forum