Et si les femmes contre-attaquaient sur Internet ?

« Non à la théorie du genre, une fille ça a des cheveux ! » pouvait-on lire sur une affiche brandie au milieu de la Manif pour tous, dimanche 2 février, avec en son centre un dessin de Nabila et son célèbre « allo ! ». Cette affiche parodique, aux allures officielles, provient du Tumblr « La future manif pour tous », qui brocarde avec humour le kit des manifestants du mouvement rose et bleu, lui-même accessible en ligne. La manifestation, qui défendait les stéréotypes de genre et prônait le boycott de « l’ABCD de l’égalité » à l’école s’est vue ainsi « trollée » par des militant(e)s qui avaient imprimé une sélection de fausses affiches et déambulaient incognito dans les rangs des manifestants, réalisant un joli buzz sur les réseaux sociaux. Une imbrication réussie entre réel et virtuel.

La veille, c’était le droit à l’avortement, menacé en Espagne, qui mobilisait plusieurs villes de France ainsi que la sphère Internet à coups de « Aborto libre ! Aborto legal ! ». Sur Twitter (#Alertafeminista, #nuncamas), des internautes tiraient à boulet rouge sur les projets anti-avortement depuis quelques semaines en posant avec des cintres sur lesquels on pouvait lire « plus jamais ça », rappelant crûment la réalité des avortements clandestins. Parmi les manifestants, de nombreuses femmes mais aussi beaucoup d’hommes, parce que le droit des femmes est aussi universel que celui des hommes, brandissaient des cintres, devenus l’emblème de la manifestation.

Plus que jamais, Internet s’invite dans les débats de société, jusque dans la rue. Et les attaques « contre », qu’il s’agisse des femmes ou des minorités, juives, noires, arabes ou encore homosexuelles, font surchauffer le moteur à réactions du Web.

Simone de Beauvoir avait pourtant prévenu : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Mais les femmes ont appris à se servir d’Internet, et la contre-attaque contre les « contre » avance tambour battant sur le réseau. Pour reprendre les mots de Marianne Schiappa, de l’association Maman travaille : « Quiconque a lu « L’Art de la guerre » de Sun Tzu sait qu’on n’organise jamais mieux sa défense que lorsqu’on se sent attaqué ». Voici, entre humour et art militant, une petite anthologie de l’arsenal des antisexistes.

Face aux messages anonymes qu’elle recevait à chaque publication de selfies sur son blog, Lindsay Bottos, une jeune artiste de Baltimore, a riposté avec son projet Anonymous . Insultes en tous genres et remarques violentes à l’encontre de son physique s’affichent sur des photos de Lindsay Bottos étrangement calme, semblant dire : « Je suis comme je suis et je vous emm… ». Un peu comme Lily Allen fredonnant innocemment sur une mélodie sirupeuse « F*ck you, f*ck you very very much ».

Avec une simple « photo », Rosea Posey fustige les jugements fondés sur la façon dont une femme s’habille. Sur le cliché, elle relève sa robe, découvrant sa jambe nue et différents traits indiquant un gradient de respectabilité en fonction de la longueur de ladite robe.

Le projet Unbreakable , initié par la photographe Grace Brown, et progressivement devenu participatif, bombarde la culture du viol : des victimes du monde entier (hommes et femmes) se mettent en scène sur des photos, avec un écriteau rapportant des propos de leurs violeurs.

L’humour est une autre arme de choix pour les antisexistes. Robin Thicke et sa chanson « Blurred Lines », faisant, assez directement, l’apologie du viol, a été provoqué en duel sur son terrain, d’homme à femme, par de multiples parodies grinçantes de son clip et de réécritures des paroles à la sauce féministe.

Vie de meuf , une déclinaison de VDM , ouverte par le collectif Osez le féminisme, en découd avec le sexisme ordinaire en publiant des anecdotes sur les petites attaques que les femmes endurent au quotidien.

La riposte des partisan(e)s d’une égalité entre les sexes se répand sur Internet comme une traînée de poudre. Avec aux commandes… beaucoup de femmes, pas forcément des féministes, juste des femmes qui ne sont plus ces êtres fragiles et inoffensifs, ne comprenant rien aux nouvelles technologies. Alors, faites attention parce que Mars (euh, Vénus) attacks !

Publié sur le Digital Society Forum